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dimanche 10 mai 2015

198: 'Le Ventre de l'Atlantique' de Fatou Diome

Genre : "Des mots trop étroits pour porter les maux de l'exil"

Histoire
Salie vit en France, son frère Madické à Niodior, une île du Sénégal. Ce dernier rêve de rejoindre sa sœur en France, imaginant ce pays des blancs comme une terre promise.


Très belle photo de la mosquée de Niodior, sur le site :  http://sarahhickson.com/west-africa-portfolios/rural-gallery/


Impressions
Roman autobiographique, Fatou se met en scène apportant un témoignage fort de cette Afrique qui s'imagine la France comme un Eden, légende alimentée par ces "venus de France".
'Je donnai raison, malgré moi, aux attentes démesurées qu'ils nourrissaient à l'égard des venus de France. Mes proches souffraient de convoitise : dès mon arrivée, on les avait imaginés dépositaires d'une fortune.'

'Sur la balance de la mondialisation, une tête d'enfant du tiers-monde pèse moins lourd qu'un hamburger.'
Regard sans complaisance, dénonçant les travers mais aussi les qualités des sociétés africaines et européennes, au fil des échanges entre Salie et son frère, et également au moyen des portraits fleuris des habitants africains: le vieux pêcheur, El-Hadj le "riche" de Barbès, Moussa qui s'est suicidé, Ndétaré l'instituteur qui a tout appris à Fatou et qui seul peut comprendre le mal-être de l'héroïne, et d'autres encore.

'Que signifie la liberté, sinon le néant, quand elle n'est plus relative à autrui ? Le monde s'offre, mais il n'enlace personne et ne se laisse pas enlacer. [...] Elle (sa grand-mère) le phare planté dans le ventre de l'Atlantique pour me redonner, après chaque tempête, une direction à ma navigation solitaire. Avec elle, j'ai compris qu'il n'y a pas de vieillards, il n'y a que de vénérables phares.'

En dépit de la précarité, des drames qui sont décrits, l'humour est très présent par exemple dans les descriptions truculentes de matchs de foot. En effet, tout au long du roman, sous la pression de son frère Madické, Fatou suit les matchs de la coupe d'Europe en 2000 jusqu'à cette finale où les Français affronteront les Italiens.
 
'Découvrir puis exploiter les failles de l'adversaire n'est peut-être pas la plus courageuse des stratégies, mais c'est assurément l'une des plus efficaces. Sous l'arbre à palabres, le plus sage des sages parle toujours en dernier. Respect ! Barthez et Toldo se faisaient résolument face et, contrairement aux pêcheurs, chacun des goals tenait à rentrer les filets vides.'

'Dire qu'on le (Zidane) prend pour Gandhi ! En compétition, le pacifisme d'un grand sportif égale la chasteté d'une péripatéticienne.'

En bémol, j'énoncerai le cheminement un peu décousu du récit, porté par ce fil conducteur des appels téléphoniques entre Salie et son frère. Fil parfois ténu, et souvent répétitif puisque finalement uniquement nourri de l'actualité du foot. Le séjour de l'héroïne dans son village natal, et donc des rencontres physiques, vient heureusement casser la répétition.
Et à l'image des citations réunies dans cette chronique, de nombreux passages sont remarquablement touchants ou pertinents et donnent à réfléchir. Fatou Diomé maîtrise l'art de la palabre.

Du mal-être des déracinés, un témoignage fleuri, authentique, plaisant à lire. 

'La nostalgie est ma plaie ouverte et je ne peux m'empêcher d'y fourrer ma plume. [...] Des mots trop étroits pour porter les maux de l'exil; des mots trop fragiles pour fendre le sarcophage que l'absence coule autour de moi; des mots trop limités pour servir de pont entre l'ici et l'ailleurs.'



A titre de curiosité, deux mots que j'ai découverts dans ce roman

Guelwar, de nombreuses variantes dans l'orthographe: Guélowar, Gelwar, etc, a été la dernière dynastie maternelle dans les royaumes Sérères du Sine et du Saloum (dans Sénégambie mais principalement dans l'ouest du territoire de l'actuel Sénégal). Ils étaient d'origine Mandingue qui se sont mariés dans le vieux Sérère paternelle clans nobles (les dynasties Sérères paternelle du Sine et du Saloum). La progéniture de ces femmes Mandingues, et les hommes Sérère, étaient les dirigeants du Sine et du Saloum. La dynastie a duré du milieu du à 1969, l'année à la fois le roi du Sine et du Saloum est mort.

Les cauris ou Cypraea moneta, sont de petits coquillages importés des Îles Maldives. Ils ont constitué la plus ancienne monnaie chinoise connue. Leur nom vient du mot sanskrit kaparda ou kapardika tranformé par les Anglais en cauri ou cowri. Ils auraient été amenés par les Arabes sur les côtes orientales de l'Afrique. A Madagascar, l'art de la divination, qui se fait par des grains (sikidy) est également d'origine arabe.
Les cauris se prêtaient à plusieurs usages. Ils constituaient la monnaie en Afrique de l'Ouest, notamment à l'époque des grands empires du Ghana, du Mali et du Songhaï. Une certaine valeur religieuse amenait les prêtres animistes à confectionner des costumes entièrement ou en partie faits de cauris que revêtaient leurs porteurs de masques dans les manifestations cérémonielles, dans les bois sacrés. Des objets à caractère magique ou culturel, cornes, gris-gris, fétiches étaient sertis de cauris chez le guérisseur ou le sorcier. Ces objets et ces costumes couverts de cauris se rencontrent en Casamance chez les Diola et au Sénégal oriental chez les Bassari, là où la religion traditionnelle est encore vivace.

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Les livres qui m'ont marqué... (pas tous chroniqués)

  • 'Beloved' & 'Jazz' de Toni Morrison
  • 'Charlotte' de David Foenkinos
  • 'Crime et châtiment' de Dostoievski
  • 'Kite runner' de Khaled Hosseini
  • 'La joueuse de go" de Shan Sa
  • 'Le quatrième mur' 'Profession du père' de Sorj Chalandon
  • 'Les enfants de Minuit' de Salman Rushdie
  • 'Sombre dimanche' & "L'art de perdre" d'Alice Zeniter
  • 'Sous le soleil des Scorta' et 'Eldorado' de Laurent Gaudé
  • "1984" de George Orwell
  • "Au Zénith" de Dong Thuong Huong
  • "Candide" de Voltaire
  • "En attendant Godot" de Samuel Beckett
  • "Fanrenheit 451" de Bradbury
  • "L'écume des jours" de Boris Vian
  • "L'insoutenable légéreté de l'être", de Milan Kundera
  • "L'œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar
  • "L'ombre du vent" de Carlos Ruis Zafon
  • "La métamorphose" de Kafka
  • "La vie devant soi" de Romain Gary
  • "Le Hussard sur le toit" et "Les âmes fortes" de Jean Giono
  • "Le parfum" de Patrick Suskind
  • "Le Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde
  • "Le rouge et le noir" de Stendhal
  • "Les Cavaliers" de Joseph Kessel
  • "Les Déferlantes" de Claudie Gallay
  • "Les Raisins de la Colère" de John Steinbeck
  • "Malevil" de Robert Merle
  • "Mr Vertigo" de Paul Auster
  • "Sur la route" de Jack Kerouac
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